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Makarios et nous

Makarios et nous

Je ne sais pas ce que le président-évêque Makarios en pensa : je revenais de la visite du président Rauf Denktash (Chypre du Nord ou Chypre turque, c’est selon) qui, fort aimablement et pour offrir une fleur au Liban, m’annonçait la levée de plusieurs restrictions imposées aux maronites dont la majorité était établie dans la partie nord de Chypre depuis des siècles…

Je visitai ensuite l’archevêque de Chypre, Mgr Chrysostome Ier ; mon CV ne précisait pas que j’étais maronite, mais une médaille autour du cou le tranquillisa quant au salut de mon âme, en tant que chrétienne sans doute, chrétienne orthodoxe s’entend.

Mais étant la représentante du Liban, il s’en prit aux maronites, m’obligeant à lui expliquer que même si les maronites, et catholiques en général, se signent avec la main ouverte – à tous – et non avec les trois doigts, symbole de la Trinité divine, cette croyance était la base de leur foi, de même que la mort sur la croix et la résurrection du Christ. Quoi que les hommes d’Église, de foi ou de peu de foi, décréteront, il n’en restera pas moins que face à tout le reste du monde, c’est la croix et la Résurrection qui font et feront toujours la différence et la sélection des chrétiens.

Au souvenir des rares survivants de la période de Makarios III, pour le président-évêque, ils étaient chypriotes, et même si non grecs (de Grèce), leur foi, en quelque sorte, les sauvait. Autres lieux, dautres temps !

Considéré par les Américains comme le Castro de Chypre pour son refus de s’aligner sur les positions de l’OTAN (c’est l’ère de Bandung et du non-alignement), il signera en 1977 avec le dirigeant chypriote turc Denktash une résolution qui prévoyait une fédération bicommunautaire et bizonale pour l’avenir de Chypre.

Résultat : Chypre est plus divisée que jamais et l’Union européenne a dû accepter l’adhésion de Chypre du Sud (Chypre grecque) en 2004, la perspective d’une réunification, condition préalablement posée, s’éloignant de plus en plus. Et cela en accord avec la tendance à la radicalisation mondialement et à l’exacerbation identitaire face aux dérives de l’ultralibéralisme.

Serait-ce là le schéma modèle envisagé pour le Liban avec la suggestion d’un président-chef religieux ?

Il est vrai que pour l’Église maronite, « la gloire du Liban » a été donnée au patriarche maronite, mais pour que, avec tous les Libanais, il mène à la glorification du Dieu unique célébré par tous ; il en a toujours fait son credo, ayant à cœur de rassembler sous sa houlette les Libanais de tous bords.

Climat d’exaspération, de délitement, de perte de boussole et de vision d’avenir pour toutes les communautés, mais surtout pour la communauté chrétienne menacée dans son existence, et même et dans son devenir, par une présence syrienne voulue, aidée, imposée, au détriment de tout droit international, de toute justice et de toute équité : aide individuelle en dollars à tous les membres des familles de réfugiés dépassant le salaire de tout travailleur ou employé libanais payé, quand il l’était, en livres libanaises, et devant assurer famille, éducation, santé sur ses deniers propres face à leur prise en charge onusienne ; tout cela laissant à l’État libanais exsangue le soin de régler les factures (eau, électricité etc.).

Et voilà qu’on voudrait ajouter à une série de problèmes et de situations difficiles une équivoque, un défi inutile, dangereux et mortel pour un Liban-message qui assure une souveraineté égale pour toutes ses communautés.

Pacte national et accord de Taëf aidant à l’acceptation de cette « unicité » (« uniqueness ») mondiale par la communauté arabe dans son ensemble évaluant à sa juste mesure et sa valeur la présence, en son sein, d’un frère variable partageant la croyance en un Dieu unique et des valeurs communes, fruit de l’histoire et souvent du sang.

Veut-on ajouter au malheur du Liban, à l’ineptie de ses dirigeants et de ses leaders, surtout chrétiens, un clin d’œil vers le fleuve Adonis dont la couleur rougit rapidement du sang de croyants dupés par les intérêts géopolitiques et géostratégiques des grands dirigeants mondiaux ?

Ce sont des trompettes qui ont sauvé Jéricho ! Aussi, faudra-t-il sonner le réveil des Libanais de tous bords, surtout des dirigeants chrétiens, et plus spécialement des dirigeants maronites, pour prendre en main leur responsabilité historique par-delà leur petit égoïsme, leur égocentrisme et leur recherche d’un intérêt personnel que réprouveront leurs fils spoliés d’un pays unique.

Sonnez, trompettes, sonnez donc le réveil de nos hommes politiques !

Samira Émile HANNA EL-DAHER

Ambassadrice, professeure de géopolitique et de relations internationales

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